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Dealer de films

Corps comiques, corps social

16 Novembre 2014, 18:16pm

Publié par Mathieu

Troisième volet du triptique Essai sur les passions démocratiques après La Peur du vide et La Violence des images, ces Eclats de rire d’Olivier Mongin résonnent d’emblée d’un rire jaune puisqu’il part du constat que « le rire s’est affadi au cours du XXe siècle après l’âge d’or du burlesque ». Le malaise tiendrait à la disparition d’un humour du corps depuis la fin du cinéma muet. « Le contemporain rit moins des corps muets que des blagues et des bons mots. » Rejoignant ses préoccupations de directeur de la revue Esprit, Mongin s’intéresse au rapport de différents types de comique avec la communauté dans laquelle ils existent: « Comment des corps peuvent-ils se trouver bien ou mal ensemble ? » Les textes qui composent cet ouvrage filtrent à dessein leur objet pour se concentrer sur la posture sociale de comiques aussi différents que Keaton, Caubère, les Marx Brothers, Raymond Devos, de Funès, Lewis ou – cherchez l’erreur – Etienne Chatiliez. Frisant parfois le dossier documentaire truffé de larges extraits de textes – Bazin, Daney –, Eclats de rire a le mérite de tenir son fil directeur jusqu’au bout, à savoir la question du « vivre ensemble » telle qu’elle apparaît dans les représentations physiques du comique au cinéma et au théâtre. Constatant un « chassé croisé fulgurant entre Chaplin et Keaton » – « le premier est un individu marginalisé qui cherche à entrer dans une communauté […], le second veut devenir un individu que le poids des masses n’étouffe pas. » – Mongin généralise plus loin en retraçant l’évolution politique du comédien seul (Lloyd, Keaton, Chaplin…) au couple Laurel-Hardy uni contre les obligations familiales ou à la fratrie des Marx faisant bloc contre la puissance écrasante de l’argent : « le corps burlesque ne peut plus survivre seul ». Assimiler ainsi les postures des corps (rester droit pour Tati, par exemple) à des postures sociales tend parfois vers le schématisme, mais Eclats de rire questionne « ce lien incessant entre le haut et le bas qui irrigue les œuvres » avec une probité toute stendhalienne (le Stendhal de Racine et Shakespeare).

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